De Gaulle expliqué aujourd'hui by Ferro Marc

De Gaulle expliqué aujourd'hui by Ferro Marc

Auteur:Ferro, Marc [Ferro, Marc]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2015-12-07T23:00:00+00:00


– C’est un homme seul…

– Oui, il faut insister sur ce point. En 1945, les journaux réapparaissent en nombre ; certes, ils ne comptent que quelques pages – deux à quatre au début –, mais pendant les toutes premières années d’après la Libération, la presse d’opinion domine, avant de décliner rapidement au bénéfice de la presse dite d’information. À cette date, où se publient au total 7,2 millions d’exemplaires, on dénombre 32 quotidiens communistes dans le pays, avec 1,7 million d’exemplaires, autant de quotidiens socialistes et 22 quotidiens MRP, avec 1,3 million d’exemplaires ; la presse radicale dispose de 320 000 exemplaires – et c’est la seule qui progresse les années suivantes. De Gaulle ne dispose d’aucune presse qui lui soit propre, mais une partie de la presse MRP et Paris-Presse lui sont acquis – 470 000 exemplaires environ à cette date, ainsi que l’hebdomadaire Carrefour31. Ainsi, la presse des grands partis couvre largement la voix même de De Gaulle ou celle de son gouvernement (à moins que ceux-ci ne soient eux-mêmes membres de partis).

Ce dont nous voudrions témoigner, étant adolescent à cette date-là, c’est que le discours des communistes ou des socialistes, voire des opposants cachés – tel L’Aurore, situé à droite – ou des journaux prétendus « neutres », tel Le Monde, bénéficiaient de beaucoup plus d’écho que la parole proprement gaullienne, qui apparaissait même comme l’écho d’un passé révolu.

À gauche, la puissance soviétique, première responsable de la défaite nazie, exerçait une réelle fascination – ce que confirme un sondage de novembre 1944 : 61 % jugent que c’est l’URSS qui a joué le plus grand rôle dans la défaite de l’Allemagne, 29 % pensent que ce sont les États-Unis et 12 % la Grande-Bretagne. Les communistes, principaux bataillons de la résistance intérieure, dominent l’échiquier politique et l’opinion publique se positionne par rapport à eux.

De sorte que toutes les mesures prises sous l’égide de De Gaulle – nationalisation des houillères, d’une partie de la sidérurgie, du crédit, des assurances, mesures qu’on définirait, cinquante ans après, comme « de gauche » – ont été perçues à l’époque comme des victoires remportées par les communistes ou le CNR. Simultanément était promue une politique sociale hardie, qu’incarne l’instauration de la Sécurité sociale, attribuée au ministre du Travail communiste Ambroise Croizat, alors qu’elle était en réalité l’œuvre d’un grand administrateur gaulliste, Pierre Laroque. Ces mesures semblaient aller de soi dans un pays en reconstruction où l’inflation était forte, les prix ayant triplé en deux ans alors que les salaires avaient à peine doublé et que le temps de travail avait augmenté de 10 %. « Retroussons nos manches », disaient les socialistes et les communistes.

Ces réformes entreprises par le gouvernement participaient d’un « anticapitalisme purificateur mâtiné de planisme technocratique32 ». C’est d’ailleurs à cette date que de Gaulle confie à Michel Debré le soin de créer une École nationale d’administration pour que ses élites défendent l’intérêt de l’État face à ceux de groupes sociaux et autres lobbies – de Gaulle n’affectionne pas particulièrement le monde de l’argent.



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